Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/43

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Se remplit d’ouvriers, et bientôt on les voit,
L’un l’autre s’entr’aidant, monter au haut du toit,
Les ardoises déjà pleuvent dans la ruelle,
Le pic pesant défait l’œuvre de la truelle,
Tout tremble, les plafonds s’effrondrent sous le choc
Des poutres, des moellons qui tombent d’un seul bloc,
Et les murs jusqu’au sol croulent l’un après l’autre.
— Grand’mère, dit l’enfant, quel bonheur est le nôtre !
Ces vilaines maisons n’y sont plus, viens donc voir !
La Seine entre les quais brille comme un miroir,
Les parapets du pont luisent comme des marbres,
Et là-bas, tiens, vois-tu, là-bas, ce sont des arbres !
— De vrais arbres, ma fille !… Et de l’air, que c’est doux !
— Et le soleil qui vient travailler avec nous !

Mais un homme paraît sur le seuil de la porte.

— Ah ! mesdames, bonjour ! dit-il d’une voix forte,
Le quartier s’embellit, comme vous le voyez,
Et me voilà contraint d’augmenter mes loyers,
— Hélas ! en travaillant dimanches et semaine,
À payer deux cents francs nous avions tant de peine !
— Eh bien, ma bonne dame, arrangeons tout ceci :
J’ai dans la rue aux Ours, qui n’est pas loin d’ici,
Une maison encore. Est-ce un palais ? J’avoue
Que non et que j’ai peur quand le vent la secoue ;
Il y reste une chambre en bas, sur une cour ;
C’est noir, mais en levant la tête on voit le jour !