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CHASSES FANTASTIQUES.

milieu des airs, et la célérité de leur fuite suffira pour vous rassurer contre la chance de leur prochain retour.[1]

Nous avons rassemblé, dans ce chapitre, tous les détails que nous avons pu recueillir sur la superstition des chasses fantastiques. Parmi les autres superstitions populaires, il en est quelques-unes qui ont plusieurs traits d’analogie avec celle-ci ; mais il nous paraît inutile d’indiquer ici ces rapprochements, que le lecteur saisira facilement dans le cours de cet ouvrage.

Citons seulement, en terminant, une romance populaire, fort intéressante par ses rapports avec le sujet qui nous occupe ; elle se chante aux environs de L’Aigle, et principalement à Tourouvre[2]. La catastrophe, qui forme le dénouement de notre ballade normande, paraît être encore l’effet d’une vengeance du ciel vis-à-vis d’un déterminé chasseur. Remarquons aussi que la transformation de la jeune fille en biche blanche n’est point représentée comme le résultat d’un sortilège, mais comme un accident qui, pour être merveilleux, n’en était pas moins autrefois supposé possible, ainsi que nous le témoigne le Lai du Bisclavaret de Marie de France.[3]

LA JEUNE FILLE CHANGÉE EN BICHE BLANCHE

Celles qui vont au bois,
C’est la mère et la fille ;
La mère y va chantant,
Et la fille soupire.
— Qu’avez-vous à pleurer,
Marguerite, ma fille ?

— J’ai un grand ire en moi,
Je n’ose vous le dire ;
Je suis fille sur jour,
Et la nuit blanche biche.
La chasse est après moi,
Les barons et les princes.

  1. L. Dubois, Annuaire statist. de l’Orne, 1809.
  2. Dans ce canton et dans tout le Perche, la chasse aérienne est connue sous les noms de chasse Artus et chasse Hennequin.
  3. Voyez l’analyse de ce Lai, au chapitre des Loups-garous.