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LUTINS

Pour retrouver les ascendants des Sylphes et des Lutins, il faut remonter jusqu’à la mythologie scandinave, à ce qu’elle nous enseigne des Alf ou Elfes (Esprits), et des Duergar (Nains), deux classes d’êtres dont les noms se sont conservés jusqu’à présent dans tous les langages des nations descendues de la race gothique[1].

L’Edda avait établi une distinction d’espèces parmi les Alf ; il y avait les Liosalfar (Esprits de lumière), et les Diokalfar (Esprits de ténèbres). Les premiers, d’une nature bienfaisante et généreuse, demeurent dans l’une des villes du ciel, appelée Alf-heim (ville des Alf) ; les seconds, au contraire, d’apparence difforme et d’humeur malveillante, habitent les lieux souterrains ; ils ont été rangés dans la même catégorie que les Duergar ; on les désigne habituellement sous le nom de Trolds.

Quant aux Duergar, c’étaient aussi de petits êtres qui vivaient sous les rochers, dans les montagnes et l’intérieur des mines ; ils se distinguaient par la réputation de leurs talents dans la métallurgie. Quelques auteurs, interprètes des doctrines scandinaves, ont considéré cette race laborieuse comme la personnification des pouvoirs souterrains de la nature ; mais d’autres commentateurs des mêmes matières ont supposé que, par les Duergar, on avait voulu désigner les habitants primitifs de la Scandinavie : les nations laponne, finlandaise, islandaise, qui, fuyant devant les armées conquérantes des Ases[2], cherchèrent les régions les plus reculées du Nord, et là s’efforcèrent d’échapper à leurs ennemis d’Orient[3]. Des traditions nombreuses ont conservé le souvenir des Alf dans la mémoire du paysan scandinave ; et le signalement de leur physionomie et de leurs mœurs, tel que nous l’offrent ces récits,

  1. Fairy mythology, t. I, p. 109 et suiv.
  2. On entend, par Ases, les Asiatiques qui, sous la direction d’Odin, apportèrent leur religion et leurs arts dans la Scandinavie.
  3. Walter Scott, Démonologie, Lettre IV.