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CHAPITRE VII.

correspond, en certains endroits, d’une manière absolue, avec la description de nos Fées et de nos Lutins. Les petits Elfes souterrains, que l’on suppose habiter les maisons de l’homme, sont décrits comme des êtres joyeux et malicieux, imitateurs de toutes les actions humaines. On dit qu’ils aiment l’ordre et la propreté dans les maisons et les appartements, et qu’ils récompensent les domestiques soigneux et propres[1]. Il est facile de reconnaître, dans cette désignation, fournie par les croyances norwégiennes, le prototype de nos lutins ; mais, dans tous les pays où s’est répandue la tradition scandinave, outre leur nom générique, on a donné aux lutins de la contrée une dénomination particulière. Ainsi, les lutins allemands sept appelés Kobold ; ceux des Danois, Nissen ; ceux des Écossais, Bogle ; en Lorraine, on les nomme Sotray ; en Normandie, nous avons notre Gobelin, connu aussi en Angleterre sous le nom de Hob-goblin. La Bretagne possède une génération de nains appelés Korr, Korrig, Korrigan, Korrigwen[2] ; ils habitent les dolmen, les ruines des anciens châteaux, et principalement les monuments de Carnac, près Quiberon. Les données que nous possédons sur leur caractère et leurs habitudes, doivent les faire ranger parmi les Duergar de la plus méchante espèce, c’est-à-dire parmi ceux qui se plaisent à tourmenter les hommes, à leur causer toutes sortes de maux, et qu’on distingue, chez les peuples scandinaves, par l’appellation de Trolds[3].

Le Gobelin ou Goubelin est le plus fameux de nos lutins ser-

  1. Fairy mythology, t. I, p. 137.
  2. Th. de la Villemarqué, Chants populaires de la Bretagne, Introduction, p. xlix.
  3. Les Bretons connaissaient aussi une autre espèce de génie ou de lutin appelé Teuss, dont le nom et les qualités rappellent les Dusii. Dom Martin dit que Dusii est un mot celte, avec terminaison latine, formé de Teuss, qui signifie tout ce qui paraît et disparaît en un moment : un lutin, un spectre, un fantôme. Ceci nous fournirait une preuve, entr’autres, du mélange qui s’est opéré, dans nos croyances superstitieuses, des traditions gauloises avec les traditions scandinaves.