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MONUMENTS DRUIDIQUES.

matérielles. Il fallait, pour qu’elle lui demeurât à jamais présente, que cette idée s’enveloppât sous une image familière ; qu’elle s’incarnât dans un fait permanent, quelque grossière que fût l’image, ou quelqu’insignifiant que fût le fait.

Le peu de variété que l’on observe dans les formes des monuments celtiques, et qui démontre qu’aucun effort n’a été tenté pour approprier chacun d’eux à sa destination spéciale, résulte moins peut-être de la faiblesse des conceptions de l’art à cette époque, que de l’empire d’une opinion superstitieuse. D’après les idées antiques, les pierres érigées par un motif religieux ne devaient pas être taillées ; les soumettre à l’action du travail humain, c’eût été leur porter une atteinte sacrilège. Aussi, à de très rares exceptions près, on ne découvre point les traces du ciseau sur les pierres celtiques de nos provinces. Ces pierres même ne sont chargées d’aucune espèce de figures ou d’inscriptions hiéroglyphiques, ainsi que cela était en usage chez les Égyptiens, les Grecs, les Hébreux et les peuples septentrionaux. En sorte que, parmi les monuments primitifs, ceux du druidisme, moins encore que tous les autres, pourraient nous procurer quelques notions du culte auquel ils ont été consacrés. Pour ne rien négliger, cependant, de ce qui doit prêter à quelques observations instructives, nous allons citer les monuments de notre province qui font exception à l’ordre général que nous venons d’indiquer.

Dans la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle, près de l’Aigle, sur un coteau nommé Jarrier, se trouve un beau dolmen, dont la table, formée d’une agglomération de silex, est posée en plan incliné sur quatre supports de grès. M. Galeron, à qui l’on doit l’indication de ce dolmen, a remarqué, sur le support principal, quelques essais de sculpture, qui consistent seulement en quatre petites figures représentant des portions de cercle, dans lesquelles il a cru reconnaître une image grossière, mais cependant assez exacte, des phases de la lune[1].

  1. F. Galeron, Monuments druidiques du département de l’Orne ; (Mém. des Antiq. de Normandie, années 1829-1830, p. 121 et suiv.)