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MONUMENTS DRUIDIQUES.

autant de manifestations divines auxquelles était dû un culte. Ils avaient adopté le dogme de l’immortalité de l’ame et celui de la solidarité, dont ils déduisaient une cruelle conséquence : la nécessité des sacrifices humains. Ils étaient persuadés que la vie d’un homme pouvait racheter celle de son semblable, et que le courroux du ciel s’apaisait par l’effusion du sang. Ces croyances, qui, sur les points essentiels, se trouvent d’une conformité presque absolue avec celles de plusieurs peuples orientaux, n’auraient pas suffi, sans doute, pour mériter aux Druides le grand renom de sagesse qui leur a été accordé, s’ils n’avaient ajouté à leurs principes religieux les aperçus d’une poésie plus élevée et plus profonde que celle qui avait prévalu ailleurs, et qui était digne d’exciter l’étonnement et l’enthousiasme des étrangers admis à ses communications. Ce génie poétique des Druides s’est même révélé à nous, à travers les siècles, en présidant au choix des emplacements où sont dressées les pierres consacrées. C’est toujours dans les profondeurs des forêts, au sommet des rochers ou des montagnes, au bord des eaux, sous un cadre pittoresque, sauvage et grandiose, que nous découvrons ces monuments dont la masse brute et gigantesque émeut encore notre imagination de réminiscences mystérieuses et d’impressions solennelles.

Le culte des pierres divinisées persévéra, chez les Gaulois et les Germains, long-temps après l’établissement du christianisme, ainsi qu’il s’était maintenu dans la Grèce et à Rome, après l’introduction des Dieux orientaux ; les actes de plusieurs conciles et les capitulaires de Charlemagne en font foi par leurs prescriptions : « Un évêque, dit un canon du concile d’Arles, tenu en 452, qui néglige d’extirper la coutume d’adorer les fontaines, les arbres, les pierres, est coupable de sacrilège. » Un synode assemblé à Auxerre, en 578, renouvelle de virulentes attaques contre ces superstitions païennes. Un des premiers et des plus célèbres évêques de la Normandie, saint Ouen, successeur de saint Romain, s’efforce, par les vives recommandations de ses lettres pastorales, de détourner les