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LOUPS-GAROUS.

remettre ses habits en public, afin de n’être pas vu pendant sa métamorphose.

Le roi écouta les prudentes observations de son conseiller ; il conduisit lui-même le Bisclavaret dans ses appartements, où il le laissa en paix. Quelques heures après, étant rentré dans sa chambre, accompagné de deux autres barons, il aperçut le chevalier endormi sur le lit royal. À cette vue, le roi ne fut pas maître de sa joie, il courut embrasser son favori, et il ne pouvait se lasser de lui témoigner combien il était heureux de le revoir. Il lui rendit toutes les terres qu’il avait possédées avant sa métamorphose, et ajouta encore à cette restitution de magnifiques présents. La femme infidèle fut chassée du pays, ainsi que celui qui l’avait aidée dans l’accomplissement de sa trahison. Ils eurent depuis plusieurs enfants, qu’il n’était pas difficile de reconnaître, car toutes les femmes de ce lignage naissaient sans nez, et, par suite de cette étrange circonstance, portaient le surnom d’Enasées.

Enfanz en ad asez éuz,
Puis unt esté bien cunéuz,
Del’semblant è de le visage :
Plusurs femmes de cel lignage,
C’est vérité, senz nés sunt néies,
E si sovienent Esnasèies[1].



  1. Poésies de Marie de France, publiées par B. de Roquefort, t. I, p. 177 et suiv.