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SORCIERS, SORTILÈGES.

à tous ces redoutables thaumaturges, qui, chez les peuples païens, ne livraient le secret de leur pouvoir, ne dévoilaient les mystères de leur science et les profonds enseignements de leur sagesse, qu’au prix des plus terribles initiations. Viendraient ensuite les habiles enchanteurs de l’Orient, qui, à l’aide de leur baguette prestigieuse, de leurs poisons énervants, créaient des merveilles et des délices, dont le songe dissipé laissait la vie sans attrait. Puis, ces sages magiciens, célébrés par la romancerie du moyen-âge, qui savaient régenter les démons, faire régner la bienfaisance, la paix, l’union, parmi les puissances du monde intermédiaire, et qui, sans attendre la fin pénible d’une glorieuse carrière, se voyaient enlevés, dans quelque radieux séjour, par leurs belles amies les fées, jalouses de soustraire leurs corps au sépulcre et de dérober leurs âmes au ciel. Enfin, nous descendrions jusqu’à ces nébuleux nécromanciens, obligés de marchander à Satan un lambeau de son infernal pouvoir, achetant, au prix de leur ame, la possession de quelque hideux secret qui n’apportait ni charmes ni oublis à leurs souffrances ou à leurs remords. Des nécromanciens aux sorciers la transition serait facile ; mais, avant d’arriver à ces escrocs de bas étage, que l’on voit encore de temps à autre figurer sur les bancs de la police correctionnelle, nous aurions à nous entretenir longuement de ce troupeau innombrable de malheureuses victimes, dont les archives criminelles des parlements de nos provinces ont enregistré les noms de lugubre mémoire, et qui furent souvent les martyrs de leur propre crédulité, en provoquant une persécution atroce, en sanctionnant un jugement barbare par des aveux stupides et un témoignage opiniâtre[1]. Que de monu-

  1. Nous engageons nos lecteurs à se reporter au cinquième volume de l’Histoire du Parlement de Normandie, par M. Floquet, s’ils désirent s’enquérir à fond des différents cas de sorcellerie, que la justice a eu à réprimer dans notre province. Les plus notables de ces faits, cependant, sont ceux particulièrement dits : Possessions, et auxquels nous avons consacré un chapitre de cet ouvrage. Un autre procès vrai-