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CHAPITRE XV.

ments expiatoires à dresser ensuite, à commencer par celui de notre glorieuse Jeanne d’Arc, coupable d’avoir sauvé la France par un miracle de patriotisme et de foi !

Et, si nous sortions du domaine de ces affligeantes réalités, pour nous lancer dans celui des fantastiques rêveries, où le véritable magicien est le poète, irions-nous essayer quelque pâle description du sabbat, après que Victor Hugo nous a chanté son entraînante ballade, et quand nous pouvons, nous retranchant derrière le génie de Gœthe, offrir à nos lecteurs, dans Méphistophélès, un cicérone sublime ? Contentons-nous d’une tâche plus aisée ; abandonnons la partie générale de cette matière déjà si connue ; oublions les inquisiteurs, les magiciens, les démonologues, tous ceux à qui leur entremise dans les affaires de Satan a procuré le martyre, ou l’immortalité. Peut-être trouverons-nous une matière suffisante pour exciter l’attention du lecteur, en considérant les sorciers et les sortilèges au point de vue de ces

    ment digne d’être mentionné, est celui des Sorciers de Carentan et de la Haie-du-Puits, qui commença en 1670, et amena de si curieux démêlés entre le conseil du roi Louis XIV et le Parlement de Normandie. Déjà, les accusés, au nombre de trente-quatre, avaient entendu prononcer leur jugement de culpabilité ; quatre d’entr’eux, condamnés à mort, n’attendaient plus que l’heure de l’exécution près de sonner, lorsque les dépêches royales vinrent leur annoncer que la peine capitale était commuée pour eux en un simple bannissement hors de la province, avec rétablissement en leur bonne fâme et renommée, et en la possession de leurs biens. Cet ordre du roi occasionna, au sein du Parlement, de violentes réclamations, dont l’expression fut contrainte, cependant, de se traduire sous forme d’humble remontrance et de respectueuse requête. Dans ce discours, rempli de plates absurdités, débitées avec toute la gravité et l’emphase magistrale, les seigneurs du Parlement, que semble ne rebuter aucune évolution rétrograde, citent la loi des Douze Tables, les Constitutions des empereurs romains et les fastes judiciaires du règne de Chilpéric, pour justifier leurs propres arrêts. L’exposé de ces vénérables antécédents n’empêcha pas le Parlement de perdre la revanche qu’il avait tentée. Le temps était déjà passé où, suivant l’expression d’un écrivain postérieur, l’esprit social se renfermait dans cette devise : Antiquité, c’est vérité.