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SORCIERS, SORTILÈGES.

croyances naïves et terrifiantes, qui sont encore, de nos jours, en si grand crédit parmi la population de nos campagnes, et même chez la classe la moins éclairée des habitants de nos villes.

Les sorciers, comme on sait, sont doués d’une science surnaturelle et merveilleuse, que Satan leur a départie au préjudice de leur salut éternel. Pour tous ceux qui ne sont point exposés à en devenir les victimes, cette science ne semble tirer son importance que des prétendus moyens qu’elle emploie, et nullement des effets qu’elle produit ; mais les villageois, que l’expérience a instruits à leurs dépens, n’en jugent point ainsi : il y a peu de malheurs et d’accidents qu’ils redoutent à l’égal de la funeste influence d’un sortilège.

Voici en quoi consistent les principaux miracles par lesquels les sorciers et les magiciens savent se rendre si redoutables : Ils peuvent d’abord jeter des sorts sur les hommes et les animaux, faire mourir le bétail, gâter les récoltes, envoyer des rats, etc., en un mot, contrarier dans leur travail, et vouer à la maladie, à la folie, à la misère, et même à la mort, les personnes qui sont l’objet de leur animosité. Ils ont le pouvoir de commander certaines apparitions hideuses et effrayantes, particulièrement celle du démon ; ils savent aussi se rendre invisibles ou se changer en plusieurs espèces de bêtes, pour visionner, de nuit, les passants, ou leur jouer de mauvais tours[1]. Chose plus étrange encore, ils vous découvrent votre ennemi secret, ou l’auteur d’un vol à votre préjudice, en vous faisant voir l’image du coupable au fond d’un miroir ou d’un seau d’eau[2]. Ils disposent des numéros du

  1. P. Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec ; (Annuaire de la Manche, 1832.)
  2. Les paysans normands considèrent cette sorte de police exceptionnelle comme équitable, sinon comme légale ; mais ils témoignent, pour le sorcier qui y prête son ministère, le même mépris haineux qu’ils professent pour toute espèce d’agents subalternes de l’autorité et de la loi, tels que les huissiers, les gendarmes, etc.