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Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/328

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SORCIERS, SORTILÈGES.

est efficace dans tous les cas merveilleux, et même en matière de sorcellerie. C’est sans doute à cause de la haute influence qu’ils attribuent à ce saint, que nos villageois ont imaginé encore que, le jour de sa fête, on voyait le soleil danser trois fois, au moment de son lever[1].

On peut regarder le chant qui accompagne la fête des Coulines, comme une espèce de conjuration empruntée au druidisme. La veille des Rois, les habitants de la campagne, maîtres, valets, enfants, font une course échevelée à travers les champs, les masures et les prairies, portant à leurs mains des torches et des brandons allumés qu’ils nomment Coulines, et dont ils se servent pour brûler la mousse des arbres fruitiers. Pendant cette cérémonie, ils chantent à gorge déployée :

Couline vaut lolot[2],
Pipe au pommier,
Guerbe au boissey.
Men père bet bien,
Ma mère oco mieux.
Men père à guichonnée,
Ma mère à caudronée,
Et mei à terrinée[3].

  1. Il faut reconnaître un vestige d’idolâtrie dans la vénération superstitieuse qui s’attache à saint Jean. La fête de ce saint, remplaçant les solennités druidiques que l’on célébrait au solstice d’été, en l’honneur du soleil, le peuple, qui embrouille facilement toutes les idées religieuses, parce que sa foi est, avant tout, de sentiment et d’habitude, a transporté, au nouveau patron de cette époque sacrée, quelques-uns des attributs de l’astre créateur.
  2. Ce chant existe avec plusieurs variantes, mais le texte le plus complet est celui qui a été publié par M. Pluquet, dans les Contes populaires de l’arrond. de Bayeux, et que nous lui empruntons pour le citer ici.
  3. La couline vaut du lait ; qu’un seul pommier produise une pipe de cidre (700 litres), et une gerbe, un boisseau. Mon père boit bien ; ma mère encore mieux ; mon père à guichonée (grande tasse de terre) ; ma mère à chaudronée, et moi à terrinée. (Note de M. Pluquet.)