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LÉGENDES RELIGIEUSES.

C’est encore de l’époque où vivait saint Philibert, que date une autre légende à laquelle on rattache l’origine de certaine fête qui se célèbre à Jumiéges, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, avec un cérémonial fort bizarre, et à laquelle on a donné le surnom pittoresque de fête du Loup-Vert.

Saint Philibert, avant le temps de son exil, avait fondé un monastère de filles à Pavilly, auquel il avait donné, pour abbesse, sainte Austreberthe, prieure de l’abbaye du Port-en-Somme. Sainte Austreberthe et ses religieuses étaient de vigilantes épouses du Seigneur, pleines de zèle pour le service divin, et qui, voulant contribuer, pour leur part, à la prospérité du monastère de Jumiéges, s’étaient chargées de blanchir le linge de la sacristie. Pavilly n’est éloigné de Jumiéges que de quatre lieues ; un âne, dressé à ce charitable office, parcourait cette distance, allait et venait, transportant le linge, d’un monastère à l’autre, sans qu’il fût besoin que personne lui servit de guide, et plus fidèle qu’aucun commissionnaire de meilleur entendement. Or, un jour à jamais néfaste, il arriva que le pauvre âne fit la rencontre d’un loup ; loup, d’ailleurs, aussi sauvage que la forêt de Jumiéges, théâtre du crime barbare dont il allait se rendre coupable. En effet, sans égard pour la modestie de l’âne, pour son obligeance, sans respect pour son droit inoffensif, et pour la charge bénite qui aurait dû servir à l’infortuné messager de sauvegarde inviolable, le loup vorace se jeta sur ce serviable animal, et le dévora. La bête cruelle comptait fort s’en aller ensuite, au plus profond du bois, digérer en paix son forfait ; il n’en fut pas ainsi : sainte Austreberthe s’était établie la garde officieuse de ses plus humbles subordonnés, seulement son système de police avait un fond de ressemblance peut-être assez peu flatteuse, avec celui qu’on a reproché aux politiques

    morari illic distulit. Sed ultrà flunien ad Capellam S. Vedasti naves applicuit, corpusque cujusdam virginis, nomine Hameltrudis, quod secum asportaverat, super altare S. Vedasti posuit. (Dudo S. Quintini, l. II, apud Duchesne, p. 75.)