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CHAPITRE XVII.

dévora, d’un seul repas, la charge et le porteur. Les solitaires jeûnèrent pendant une journée, mais, dès le lendemain, le loup fut amené, de lui-même, à remplir les fonctions de l’âne défunt. Ainsi l’avait ordonné le ciel.

Lorsque saint Aubert fut arrivé sur le mont Tumba, il fit part, aux religieux et au peuple, de l’ordre céleste qu’il avait reçu ; il montra, sur son front, la marque du doigt de l’ange. Tout le monde fut d’avis qu’il fallait obéir à ce miraculeux avertissement. Comme sa vision le lui avait annoncé aussi, saint Aubert trouva, sur le mont, un taureau attaché à un arbre ; l’espace, foulé par ce taureau, indiquait l’emplacement que l’on devait choisir, pour y bâtir l’église.

Les ouvriers se mirent, au plutôt, à préparer le terrain ; mais un rocher énorme obstruait une partie de l’espace que devait occuper l’édifice, et tous les efforts des travailleurs n’avaient pu réussir à ébranler sa solidité. Cependant, les obstacles, en apparence les plus invincibles, sont aussi fragiles et aussi légers qu’un grain de sable, lorsque la main de Dieu vient en aide. Sur la foi de ses célestes révélations, saint Aubert alla chercher, dans le voisinage, un enfant d’un an, fils d’un homme nommé Bain. Amené sur les lieux, l’enfant toucha de son petit pied la pointe du roc, qui s’écroula aussitôt avec fracas. Tout étant disposé pour la construction de l’édifice, il ne restait plus qu’à fixer la forme qu’il conviendrait de lui donner. Le prince des archanges avertit saint Aubert de limiter exactement l’église sur l’espace où les herbes abattues par les pluies auraient laissé le terrain aride et dépouillé. L’entreprise ne fut pas retardée davantage ; elle s’accomplissait avec apparence de succès, quand l’eau vint à manquer aux ouvriers. Aussi ferme de volonté et de foi que le législateur des hébreux, saint Aubert frappa, de sa crosse, les flancs du rocher, et en fit jaillir, à son commandement, une eau bienfaisante qui, depuis, fut renommée par ses effets salutaires sur les malades. L’église achevée, saint Aubert envoya chercher, en Italie, au monastère de Saint-Gargan, une portion des reliques du bien-