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LÉGENDES RELIGIEUSES.

un trou, propre à contenir le précieux dépôt, dans le tronc d’un gros figuier qui se trouvait dans son jardin. Craignant, en outre, que l’humidité du bois vert ne vint à endommager le gant qui savait de reliquaire, il fabriqua deux tuyaux de plomb, longs et étroits ; dans l’un, il mit la sainte relique, et renferma, dans l’autre, un petit fragment de fer, dont on ne connaît pas précisément l’origine, mais qui devait avoir été sanctifié par l’attouchement du sang divin. Or, lorsque les deux tuyaux furent enfoncés dans le figuier, l’écorce déchirée de cet arbre reprit si parfaitement son intégrité, qu’il ne resta aucune trace de l’ouverture qui avait été pratiquée. Ensuite, pour se conformer aux instructions d’une nouvelle vision, Isaac abattit la tête du figuier, et laissa seulement le tronc en terre ; mais ce tronc, sans cesse battu des flots, s’ébranla dans sa racine, et ne reprit pas croissance. Voyant qu’il ne pouvait demeurer long-temps en cet état, et ne trouvant pas d’ailleurs de lieu impénétrable pour l’abriter, Isaac transporta le figuier jusqu’au bord de la mer, et, avec de grands regrets, l’abandonna au caprice des ondes. Puis, il supplia le Seigneur. par une fervente prière, de restituer un jour, à la vénération des âmes pieuses, ce trésor de salut dont il était contraint de se déposséder.

Depuis ce jour, Isaac vécut dans la tristesse ; mais Jésus-Christ eut compassion de cet homme qui l’aimait si ardemment. C’est pourquoi il lui députa un de ses saints, qui, sous la figure d’un personnage vénérable, lui parla en ces termes pendant son sommeil : « Isaac, ne vous attristez pas pour le tronc que vous avez confié à la mer, car il abordera dans une province gauloise à laquelle le Seigneur réserve cette bénédiction. » À son réveil, Isaac, se sentant le cœur gonflé d’une joie sainte, ne put s’empêcher de confier à sa femme et à ses amis toute cette merveilleuse histoire. Au reste, son récit obtint tant de vogue et de crédit, que les Juifs le consignèrent dans leurs annales, pour en conserver à jamais la mémoire.

Le tronc, après avoir erré long-temps au gré de la mobilité