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CHAPITRE XVIII.

patrons les plus vénérés de l’ancien prieuré de Souvigny, où l’on possédait son tombeau.

En Normandie, et même non loin du théâtre de la précédente, légende, la tradition mentionne encore une seconde héroïne du Miracle des roses : mademoiselle de Bréauté, fille d’un seigneur châtelain de Saint-Valery-en-Caux. Cette jeune fille, qui avait un grand zèle de piété et de charité, fut, comme le prouve la légende renouvelée à son occasion, contrariée par ses parents dans l’accomplissement des actes de son dévoûment. Mais, après la mort de son père, mademoiselle de Bréauté se vengea, pour ainsi dire, de la longue contrainte qu’elle avait imposée à ses saintes vertus. Entr’autres bonnes œuvres, elle fonda, sur ses terres, la léproserie de Sainte-Marie de Clémencé. La tradition nous a transmis, sur le compte de cette jeune fille, outre l’historique du Miracle des roses, quelques détails charmants que nous ne voulons point laisser échapper. Mademoiselle de Bréauté était d’une beauté si parfaite, si admirable aux yeux de tous, si digne de produire une impression ineffaçable, qu’il ne s’est jamais rencontré depuis, dans la contrée qu’elle habitait, une femme qu’on osât lui comparer. Il est facile d’imaginer que cette beauté merveilleuse devait attirer d’incessants hommages à celle qui la possédait. Malgré le peu de part qu’elle prenait à ces futiles éloges, et quoique tous ceux qui s’approchaient d’elle, afin de ménager son humilité, s’efforçassent de modérer leur admiration, mademoiselle de Bréauté se trouva assez importunée, par cette sorte d’ovation perpétuelle, pour supplier le Seigneur de reprendre un don qu’elle considérait comme une entrave mondaine sur le chemin de la perfection religieuse. Elle fut exaucée dans ses vœux : ses attraits se flétrirent, ses charmes s’effacèrent, mais sa vanité trop désintéressée n’en murmura point. Cependant, comme si le ciel eût pris plaisir à abuser l’humilité si touchante de cet ange de vertu, la renommée de sa prestigieuse beauté demeura aussi complète que si aucun changement n’y eût porté atteinte. D’ailleurs, peu de temps