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SAINTS POPULAIRES.

y découvrit un tombeau qui portait gravée cette inscription :

hic requiescit beatus taurinus,
primus episcopus ebroicæ civitatis.
« Ici repose saint Taurin, premier évêque de la ville d’Evreux. »

Par les soins de Landulphe, une petite église en bois fut construite en ce lieu, où s’éleva depuis une puissante abbaye. Les reliques du bienheureux Taurin sont offertes, de nos jours, à la vénération des fidèles, dans une châsse très précieuse, donnée par l’abbé Gislebert, en 1240. Mais, comme, antérieurement à cette date, il paraît que ces reliques avaient été transférées en Auvergne, il est arrivé que trois lieux différents ont disputé à Évreux l’honneur d’en être les dépositaires, savoir : l’abbaye de Gigni, celle de Fécamp, et l’église de Chartres.

Aux divers récits qui nous ont été légués par les légendaires, il faut ajouter, pour compléter l’histoire miraculeuse de saint Taurin, une tradition vulgaire concernant un violent démêlé qu’eut l’infatigable apôtre avec le démon, son antagoniste. L’authenticité de cette tradition se trouvait établie, chez les Ébroïciens, par la possession d’un trophée, non moins édifiant que grotesque, de la victoire de leur bienheureux patron :

Voulant construire une église, saint Taurin avait fait choix d’un emplacement occupé par les ruines d’un temple des faux dieux. Le démon, vaincu déjà sur tant de points du territoire, et furieux d’abandonner encore ce lieu de refuge, s’ingénia, sans relâche, à troubler le travail du saint. D’ordinaire, le sage évêque supportait, avec une dédaigneuse tranquillité, les malicieux tours de son ennemi ; mais, un jour que celui-ci s’était montré plus railleur et plus tracassier que jamais, le saint sortit tout-à-coup de sa longanimité, saisit le diable par l’une de ses cornes, et le secoua d’une si rude façon, que la corne en fut déracinée. Le vaincu poussa un hurlement effroyable de rage et de douleur, puis disparut en un clin d’œil,