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CHAPITRE XXII.


la chemise de la vierge.


Lorsque Rollon n’avait pas encore acquis la possession légitime de la Normandie, et qu’il parcourait, en conquérant, cette province, ainsi que tout le pays environnant, il vint mettre le siège devant la ville de Chartres. Le comte Thibaut, suzerain de cette ville, repoussa vigoureusement les premières attaques ; mais ses troupes eurent tant à souffrir des assauts réitérés des Normands, qu’elles tombèrent dans le découragement, au point de n’être plus capables de soutenir la défense. Alors, l’évêque Gosseaume, vivement touché des malheurs qui menaçaient son troupeau, invoqua le ciel avec cette fervente confiance qui provoque les miracles. Guidé par une inspiration d’en haut, il engagea les pécheurs à contrition et repentance, et, lorsqu’il crut avoir touché leurs cœurs, il prononça une formule d’absolution générale sur tout le peuple. Il se revêtit ensuite de ses habits pontificaux, tira d’une châsse, où elle était précieusement conservée, une chemise qui avait appartenu à la vierge Marie, et, la portant, en guise de sainte bannière, il se dirigea vers les ennemis, à la tête de son clergé. D’aussi loin que le païen Rollon aperçut la merveilleuse relique, il fut saisi d’une grande frayeur, et tomba dans un aveuglement subit. Loin de chercher à rallier ses soldats qui se dispersaient épouvantés, le chef normand, reniant sa valeur habituelle, prit la fuite un des premiers, et l’on prétend même qu’il ne s’arrêta qu’après être parvenu à Rouen, où ses vaisseaux étaient au mouillage[1].


aventure du paysan de longpaon.


Le duc Rollon considérait comme un devoir, et peut-être comme une nécessité si impérieuse pour lui d’établir une sévère justice parmi son peuple, composé hybride d’antagonistes, mélange irritable de vainqueurs et de vaincus, qu’il

  1. Ce trait miraculeux est relaté dans le Roman de Rou et dans les Chroniques de Normandie.