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Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/47

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CHAPITRE II.

tés. C’était protester à sa manière ! La veille des armes, au lieu de passer la nuit en prières, il s’en vint à un monastère de femmes, situé à une lieue de Rouen ; là, il choisit la plus belle d’entre ces religieuses, et, après l’avoir deshonorée, il lui trancha le sein, puis il s’en retourna fort tranquillement se recueillir en l’église de l’abbaye de Saint-Pierre, qui fut nommée plus tard Saint-Ouen de Rouen. Le lendemain, à la messe, le duc appela son fils, lui adressa une pieuse remontrance sur ses devoirs de chevalier, et lui donna l’accolade en le frappant du plat de son arme ; aussitôt, Robert, dont l’humeur sauvage mésinterprétait apparemment cette coutume, tira l’épée qu’on lui avait ceinte, et il en aurait frappé son père, si les barons qui étaient présents ne la lui eussent ôtée des mains.

Pour dernière scène de sa réception, Robert prit part à un tournoi, dans lequel il fut vainqueur des autres chevaliers ; mais, poussant le combat au sérieux, il voulait leur couper la tête à tous ; il en occit quelques-uns, et on eut beaucoup de peine à sauver les autres de sa fureur[1] !

Après ces mutineries de fils de prince, Robert voulut jouer un personnage plus important ; il se choisit des compagnons d’armes, et alla s’établir avec eux dans le château de Thuringue, dont il fit le quartier général de ses brigandages. Ce château était situé près de Rouen, sur la colline qui domine le Val-d’Eauplet, baigné des flots de la Seine. Il ne reste aucune trace de l’antique repaire ; mais, au-dessus de la même colline, est maintenant assis ce doux refuge des pèlerins normands : la gracieuse église de Notre-Dame-de-Bonsecours[2].

  1. Chroniques de Normandie.
  2. Jusqu’ici l’on avait considéré comme problématique l’endroit appelé par les anciens historiens mont de Thuringe, et l’on avait supposé que c’était le mont Sainte-Catherine. Cette opinion se trouve formellement démentie par une relation du siège de Rouen, en 1591, qu’a laissée