n’en persista pas moins à appliquer, à son profit, les revenus des églises et des abbayes ; il avait coutume de dire : « Que le pain du Crucifix était doux et savoureux ; qu’il donnait, au manger, un grand plaisir aux princes. » Cette insensibilité méritait une punition exemplaire ; le roi en fut prévenu par un horrible songe :
Une nuit, en dormant, ce prince crut se trouver dans un lieu semblable à une chapelle où, sur la table de l’autel, gisait un homme mort. À cette vue, Guillaume sentit l’effroi paralyser ses membres ; ses forces s’anéantirent, tandis qu’une faim irrésistible lacérait ses entrailles. Puis, tout-à-coup, il lui sembla qu’une vigueur nouvelle le ranimait ; il reconnut qu’il était appuyé sur l’autel, et qu’il dévorait avec délices un des pieds du cadavre. Éprouvant alors un horrible dégoût, il veut essayer de fuir, mais sa faim sacrilège s’est augmentée à ce hideux repas ; l’autre pied est dévoré à son tour, et la main gauche à la suite. Comme le roi allait se saisir de la main droite, pour s’en repaître encore, cette main, à laquelle appartenait la vengeance, se dressa menaçante et terrible, et, retombant sur la tête du coupable, le terrassa sous son énorme poids.
À ce moment de crise, le roi se réveilla en sursaut, et se trouva la bouche tout ensanglantée : dans l’action de son rêve, il s’était mordu furieusement la langue et cassé deux dents. En proie à une cruelle agitation, Guillaume envoya chercher, dès le matin, un pieux ermite, son confesseur, qui demeurait dans la forêt Neuve. Celui-ci ayant entendu le récit du roi : « Sire, lui dit-il, la chapelle miraculeuse, que vous avez vue en songe, représente la sainte Église ; le mort couché sur l’autel, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, immolé pour nos péchés. Vous avez mangé ses membres lorsque vous avez convoité les biens de ses ministres, et dépouillé les abbayes et les évêchés. Sachez, Sire, que Notre-Seigneur vous a longuement supporté, attendant votre pénitence ; mais si, en bref délai, vous ne changez de conduite, et ne criez merci