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RICHARD SANS-PEUR.

oraison à Dieu et à madame sainte Catherine. Ses prières terminées, il parcourut l’église, admira une foule de richesses, de précieuses reliques, de merveilleuses raretés, ainsi que des carcans et autres ferrements de prisonniers. Comme il vint à entrer en la chapelle dédiée à la glorieuse vierge Marie, mère de Dieu, il reconnut un sien chevalier, son parent, qui servait en ce lieu pour gagner sa vie. Il y avait sept ans que ce chevalier avait été fait prisonnier en la bataille des Sarrazins ; mais un religieux l’avait pleigé, afin qu’il pût tenir prison céans. Le duc s’approcha de son chevalier, et lui fit plusieurs questions ; celui-ci raconta son aventure, et dit qu’il servait ainsi, faute d’avoir trouvé un messager pour mander, en son pays, qu’on vint le délivrer par rançon ou par échange. Mais le duc ne déguisa point au prisonnier, que sa femme se croyant veuve, s’était fiancée à un autre, qu’elle devait épouser dans trois jours ; que lui, Richard, s’il plaisait à Dieu, assisterait aux épousailles, parce qu’il en avait pris l’engagement. Le chevalier se trouva dans une grande affliction, et conjura le duc de dire à sa femme qu’il vivait encore. — Elle ne me croira pas, observa Richard. — Si fait : vous lui rappellerez qu’en me séparant d’elle, je pris à son doigt son anneau d’épousée, que je le partageai en deux parties, dont l’une lui est demeurée ; j’ai gardé l’autre, et je vous la donne, à charge de la lui remettre, comme preuve de la vérité. — Or, bien, répliqua le duc, ainsi sera fait ; je lui dirai en surplus, qu’avec le bon vouloir de Dieu, je mettrai tout en œuvre pour obtenir votre délivrance. Le chevalier demanda à son tour au duc comment il était venu dans ce pays, et par quel miracle il se promettait un si prompt retour. Tant devisèrent de ces choses et d’autres, que les Matines prirent fin. Alors, le duc oyant venir le roi et sa mesgnie, prit congé du chevalier. Il les retrouva à la porte de l’église, qui s’en revenaient ; mais si battus et navrés, que c’était pitié. Le duc reprit son pan de drap, et s’élança à la suite du roi Charles-Quint et de sa mesgnie, cinglant comme vent et tempeste. Quand l’aube du jour vint à poindre, le duc