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CHAPITRE III.

s’affaissa pour dormir, las et fatigué qu’il était. Mais, en se réveillant, il se trouva tout seul au bois de Moulineaux, sous l’arbre où il avait accosté le roi Charles-Quint. Le duc rendit grâce à Dieu de l’avoir ramené sain et sauf. Tantôt après, il quitta Moulineaux, et vint à Rouen, en vue d’accomplir son message auprès de la femme du prisonnier. La dame fit quelques difficultés avant de se laisser persuader que son mari était encore vivant. Mais, lorsque le duc lui ayant présenté l’anneau, elle en eut réuni les deux parties, elle protesta devant tous qu’elle attendrait son mari et seigneur, puisque Dieu lui avait fait la grâce d’en avoir une vraie connaissance.

Richard se mit à la recherche de ses chevaliers. Plusieurs étaient demeurés cachés, çà et là, au milieu du bois, tant leur frayeur avait été grande. En l’honneur de la glorieuse vierge Marie, et de sainte Catherine du Mont-Sinaï, il fit de magnifiques donations à l’église, et institua aussi un service solennel, pour alléger la pénitence du roi Charles-Quint et de sa mesgnie ; puis délivra, en échange du chevalier, un amiral sarrazin qu’il avait retenu jusqu’alors prisonnier dans sa maison. De retour en Normandie, le chevalier retrouva sa dame après sept ans d’absence ; elle avait abandonné son nouveau fiancé, et attendait son loyal seigneur, avec lequel elle vécut de longues années.

On voit que la première partie de cette fable, en ce qui concerne l’apparition de la chasse nocturne, diffère peu des détails que nous fournit le roman. Il est donc facile de reconnaître que l’une et l’autre rédaction se rapportent à des traditions identiques. La seule variante digne de remarque, c’est la substitution du nom de mesgnie Charles-Quint à celui de mesgnie Hellequin. Qu’était-ce que ce Charles-Quint, que le chroniqueur dit avoir été roi de France ? On ne peut avec justesse le considérer comme un être chimérique ; car nous verrons ailleurs qu’il était dans les habitudes de la crédulité populaire de donner pour chef à la chasse nocturne quelque personnage réel, appelé, en vertu de ses crimes fameux, ou même de ses