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RICHARD SANS-PEUR.

actions héroïques, aux honneurs de cette diabolique apothéose. Nous serions donc portée à supposer que ce Charles-Quint n’est autre que Charles-Martel, qui fut condamné, après sa mort, à combattre les Sarrazins, comme il l’avait fait pendant sa vie ; les victoires glorieuses qu’il avait remportées contre ce peuple infidèle ne l’ayant point absous aux yeux du clergé de ses envahissements sur les biens et sur les droits de l’Église. Frodoard raconte, en effet, que saint Euchère, évêque d’Orléans, fut ravi dans l’autre vie, et qu’il vit Charles-Martel tourmenté, au plus bas des enfers, pour avoir envahi les biens des saints, qui, au jour du jugement, tiennent la balance de justice avec le Seigneur. Pour s’assurer de la vérité de cette révélation que saint Euchère avait eu soin de publier, saint Boniface et Fulrad, abbé de S.-Denis, se rendirent au lieu de la sépulture de Charles, et, ayant ouvert son tombeau, il en sortit un serpent, et le tombeau fut trouvé vide et noirci comme si le feu y avait passé[1].

La légende du chevalier qui quitte sa famille et son pays pour aller conquérir, au milieu des périls, une renommée glorieuse dans des guerres lointaines, et trouve au retour sa femme sur le point de prendre un autre époux, est une de ces fables que le moyen-âge a commentées de toutes les manières, et ajoutées à l’histoire d’un grand nombre de ses héros. Ainsi, dans les traditions allemandes, c’est Charlemagne qui, après dix ans d’absence, passés en Hongrie à convertir les païens, revient à Aix-la-Chapelle, par l’assistance miraculeuse d’un ange, le matin même du jour où sa femme Hildegarde doit prendre un autre époux. L’empereur entre dans l’église où se prépare la cérémonie, et va s’asseoir sur le trône impérial, en posant sur ses genoux sa large et redoutable épée. Les prêtres qui s’assemblent pour célébrer le service divin, sont saisis de surprise et d’effroi à la présence du majestueux vieillard, et par l’effet de son regard courroucé. « Qui êtes-vous ?

  1. Michelet, Histoire de France, t. I, p. 291.