Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/108

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— Vous vous trompez, s’écria impétueusement Félicien. Est-ce qu’il y a quelque chose de caché dans l’amour ? Tout se sait, tout se devine ; l’amour fait autant de progrès par l’absence que par la présence : c’est assez d’aimer pour être compris !

— Est-ce possible ? murmura-t-elle, à demi effrayée, à demi incrédule.

— Oui, vous aimerez ici, devant votre livre, devant votre métier à broder, paisible, concentrée, retenant votre souffle, de peur qu’il ne trahisse le nom qui est dans votre cœur et sur vos lèvres. Et puis, si vous aimez comme on doit aimer, sans réserves, sans mesure, avec tout l’abandon ou l’énergie dont vous êtes capable, fût-ce à cent lieues de distance, celui que vous aimerez sentira l’étreinte embrasée dont l’enveloppe votre amour.

Félicien s’était levé en prononçant ces paroles : il avait pris les deux mains de Cécile ; il était penché vers elle, et si près qu’ils se touchaient presque du front. Ses yeux, qui étaient admirablement beaux, tendus sur le regard de la jeune femme, lui infiltraient leurs douceurs enflammées. L’homme jeune, ardent, passionné, avait reparu : il ne restait plus rien du