Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mari d’Adrienne. Mais cette transformation n’eut que la durée d’un éclair. Il se dompta aussitôt. Il était debout ; il profita de ce mouvement pour s’en aller, comme si une pensée subite l’eût rappelé ailleurs. Cécile ne le retint pas ; elle était pressée de le voir partir. À peine eut-il laissé retomber la porte derrière lui que, fléchissant sous le poids qui oppressait son cœur, elle s’écria :

— Mon Dieu, je l’aime !

Il est de ces amours qui ne s’allument en quelque sorte que sur les plus hauts sommets de l’idéal ; ce n’est que peu à peu et par degrés qu’ils descendent et s’inclinent vers la terre. Mais d’autres, rapides, complets en un instant, dévorent leur victime dès qu’ils se révèlent. Tel était le sentiment qui remplissait l’âme de Cécile depuis l’arrivée de Félicien, et qui, sous l’influence d’une seule intention passionnée, venait d’éclater tout à coup. Elle était comme foudroyée, et son être tout entier se fondait dans cet anéantissement brûlant.

En même temps sa conscience, qui participait à cette énergie nouvelle, lui montrait sa faute involontaire sous les couleurs les plus odieuses : un homme marié ! le mari de sa sœur !