Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/111

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causait le triomphe qu’elle croyait remporter sur Félicien devant sa nouvelle amie, elle ne s’apercevait pas non plus qu’elle ravivait dans son âme des irritations dont l’effet serait fatal un jour : souffrances pour elle-même, blessures pour les autres.

Ainsi les vagues soupçons conçus par Félicien étaient déjà justifiés, car ce n’était jamais en vain qu’on s’approchait de madame de Nerville : que ce fût pour votre bien ou à votre détriment, on ne se retirait que marqué de son empreinte.

Personne, en effet, n’exerçait un entraînement plus dangereux que cette vieille femme encore animée de toutes les ardeurs de la jeunesse. Mais l’un des secrets de sa puissance même, c’était l’espèce de cynisme avec lequel elle s’acceptait telle qu’elle était : ne cherchant pas plus à modérer dans son cœur ses passions oisives qu’à dissimuler sur son visage les ravages du temps. Par cette absence de prétentions, elle avait écarté d’elle toute défiance et se livrait sans obstacle à son art de Mélusine. Elle savait s’emparer de toutes les forces vives de votre âme ; puis, avec la mobilité la plus cruelle, elle faisait de vous un jouet, si vous