Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/112

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n’aviez pas assez d’autorité pour commander son respect ; mais qui respectait-elle ?

Sa beauté avait été merveilleuse, et les débris, qu’elle traitait maintenant avec tant d’insouciance, lui servaient encore d’auxiliaires. Toute séduction n’était pas éteinte dans ses yeux d’un pâle saphir, voilés sous des paupières alourdies. Elle avait perdu l’élégance de sa taille, mais elle avait conservé une grâce de gestes et de mouvements trop parfaite pour n’être qu’un don de la nature, trop aisée pour n’être qu’un effet de l’art. L’opulence de sa chevelure était bien diminuée ; cependant elle pouvait dérouler encore sur ses épaules un lourd écheveau de fils d’or à faire envie à plus d’une jeune femme. Autrefois, elle avait été très-inventive dans sa parure, et sa beauté faisait trouver toutes ses conceptions heureuses. Maintenant, comme si elle eût voulu railler la dignité de son âge, elle glissait toujours, dans la sévérité de sa toilette de vieille femme, quelque détail bizarre qui en détruisait l’harmonie.

Au premier coup d’œil, madame de Nerville étonnait et choquait autant qu’elle attirait ; mais quand elle parlait, on n’apercevait que ses