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d’elle. Ce parti pris d’indépendance l’irritait au dernier point. Elle avait mesuré la faiblesse de son ascendant sur l’esprit de Félicien, mais elle avait compté pour le réduire sur la force aveugle des habitudes : en partageant ses mœurs, il devait arriver finalement à partager ses idées. S’il s’isolait, au contraire, tout était perdu. Sans nulle cruauté au cœur, elle regrettait amèrement de n’avoir pas le pouvoir de le faire souffrir. Le découragement naissait de ces pensées, et, à son tour, le découragement nourrissait la haine. Une âme plus digne eût contenu en elle ces sentiments impérieux et s’en fut laissé dévorer.

Adrienne leur chercha une issue en aiguisant sa verve piquante contre son mari. Mais quelques paroles sévères arrêtèrent ces manifestations hostiles et déplacées. Elle se tut, gardant un sourd courroux. Son amour-propre, honteux d’avouer ses défaites, l’empêchait de s’épancher près de sa mère. Plus que jamais, elle se lança avec ardeur dans une multiplicité insignifiante de pratiques religieuses. C’était pour elle un moyen d’opposition, une distraction d’esprit, et même quelquefois un soulagement de cœur. Il n’y avait rien d’endurci, en