Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/214

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ner la peine d’y réfléchir : dans ton monde, les bienfaits ne sont jamais accordés gratuitement ; ils se vendent au prix de la servilité, de l’hypocrisie et souvent même de la délation ; car partout il y a de petites inquisitions dressées. Il n’est pas permis au pauvre de conserver l’inspiration propre de sa conscience ; il faut qu’il adopte la vôtre. Ce serait odieux, s’il ne s’agissait d’actes et d’intérêts si mesquins ; mais quand ce n’est pas criminel, c’est au moins ridicule.

— Continuez, s’écria Adrienne hors d’elle-même, interprétez tout en mal, tournez tout en dérision. Oh ! vous êtes un esprit maudit !

Un sourire indifférent fut toute la réponse de Félicien.

— Mais, monsieur, dans notre religion, qui n’est pas la vôtre, l’obéissance et l’humilité sont de règle générale : elles sont imposées au bienfaiteur comme à l’obligé. Savez-vous ce que j’ai été faire hier chez les Petites sœurs des pauvres ? Servir à dîner aux vieillards auxquels ces saintes filles donnent asile. Oui, monsieur, j’ai rempli l’office de servante à la table des pauvres.

— Je veux bien croire que tu aies pris ton