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impressions d’une pénétrante sensibilité et tantôt des blessures cruelles. Dans leurs violences suppliantes, l’emportement de l’amour se confondait avec celui de la colère. Après les paroles les plus douces, après les étreintes les plus tendres, les deux époux se retrouvaient du fiel sur les lèvres et des morsures au cœur. En passant de la froide contrainte où ils avaient vécu jusqu’alors à cet état orageux, ils ne se reconnaissaient plus : ils ne savaient pas s’ils s’aimaient ou se haïssaient, si leurs transports allaient les anéantir ou leur créer une vie nouvelle.

Mais quand ils s’aperçurent que toutes ces émotions avaient été dépensées en vain ; qu’ils avaient, dans cette lutte meurtrière, épuisé leurs forces, exposé toutes les délicatesses de leur âme, sans que l’un eût cédé à l’autre, sans que le vaincu, heureux de sa faiblesse, eût proclamé son vainqueur, une animosité implacable surgit entre eux. Et comme chez Adrienne la violence, faite à l’humeur et au caractère pour opérer un rapprochement, avait été plus grande encore ; comme une haine sourde, étouffée, existait déjà dans son âme, sa rancune fut plus profonde et plus vindicative. Elle éclata avec