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conflit de sentiments extrêmes dont l’issue est une pure allégresse, n’était-ce pas assez pour inspirer aux deux époux un irrésistible transport de réconciliation ? Adrienne tendit la main à Félicien, et, à travers les baisers dont il la couvrit, elle y sentit tomber une larme.

Ah ! s’il ne fallait qu’un élan de l’âme pour accomplir les sacrifices que conçoit la vertu, que le devoir serait facile ! Aussi le mérite des actions les plus généreuses, quand elles s’exécutent à un moment donné, avec le concours de l’instinct et de l’enthousiasme, ne saurait se comparer à celui d’une succession de dévoilements moins apparents, mais qui s’accomplissent dans le refroidissement des sens et embrassent une longue période de la vie. Tant il est vrai qu’il n’y a de difficile que ce qui est persévérant, de surhumain que ce qui est immuable.

On avait agité la question de savoir si Adrienne nourrirait elle-même son enfant. Madame Milbert s’était prononcée contre l’allaitement, et, le médecin, de son côté, encourageait peu la jeune mère. Celle-ci ne lutta point contre eux, non par préoccupation de sa santé, mais parce que les fonctions de nourrice lui parais-