Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/246

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devait être privée de son fils, il ne fallait pas au moins qu’il mourût à cette heure. Ce sentiment l’emportait sur tout. Le pauvre enfant n’était plus qu’un enjeu entre elle et Félicien.

Cependant les deux époux se dissimulaient encore la réprobation dont chacun frappait l’autre. Mais quand, après avoir traversé mille angoisses, après avoir tour à tour accueilli et repoussé un espoir toujours trompeur et toujours déçu, après avoir senti leurs larmes tantôt humecter leurs paupières comme un baume réparateur, et tantôt les dessécher comme une liqueur corrosive et brûlante, ils virent arriver ce moment redoutable où la mort allait éteindre la seule lumière qui restât à leur âme, la démence de leur douleur ne se contint plus. Alors ils laissèrent échapper le mot insensé qui faisait peser sur eux la responsabilité d’un acte dont la nature seule devait être accusée.

— Pauvre enfant ! dit Félicien, il était né d’une violence d’âme : il devait périr !

— Ah ! s’écria Adrienne, Dieu l’enlève aux dangers qui le menaçaient : j’avais demandé son salut avec trop d’instances !

Ils ne relevèrent point ces cruelles paroles ; mais ils les entendirent retentir en eux-mêmes