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ment indépendantes. Ils s’avertissaient quelquefois de leurs projets, mais ils ne se consultaient point. Bientôt chacun eut ses amis, ses jours, ses heures ; Félicien son cercle ; Adrienne ses congrégations. Avec cela, assez de dignité et de savoir-vivre pour faire respecter, par leurs égaux et même par leurs inférieurs, cette paix du ménage fondée, comme l’avait craint Adrienne, sur l’entente de deux antipathies.

Félicien continuait à se livrer à ses travaux. Semblable à ces saints qui persévéraient pendant de longues années dans la pratique de la dévotion, sans en recevoir aucune satisfaction intérieure, il continuait de vouer à la science l’effort de son intelligence, même sans être secondé par les joies vivifiantes de l’affection,

Adrienne, qui ne se dissimulait point combien il était peu heureux, craignait encore qu’il n’en revînt à son projet de l’arracher à sa famille et à son entourage pour la faire toute à lui. Elle se trompait : il n’y songeait plus. L’assemblage de grâces mutines et piquantes qu’il avait aimées dans la jeune femme disparaissait sous les voiles de deuil de la mère, et cet aspect plus sérieux que revêtait Adrienne paraissait donner aussi plus de gravité aux torts qu’il lui repro-