Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais ma conscience me permet de vous affirmer que j’ai aimé mon mari autant qu’il m’était possible de le faire sans exposer mon salut.

— Et pourquoi ne l’avez-vous pas aimé jusqu’à exposer votre salut ? dit Eusèbe, dont la hardiesse s’enflammait de zèle ou d’un autre sentiment voilé.

Adrienne laissa échapper une exclamation de surprise, et son regard interrogateur alla, malgré l’obscurité du soir, frapper le visage du jeune homme.

Eusèbe sentit que le moment était venu de toucher le cœur d’Adrienne ou de le fermer pour jamais à son influence. Sa voix tremblait d’émotion.

— Savez-vous ce que c’est que l’amour ? dit-il. C’est une immolation si complète de nous-même à l’objet aimé qu’il ne se fatigue jamais de ses efforts pour lui plaire, qu’il supporte sans se lasser les froideurs et les rebuts, qu’il ne redoute ni les châtiments ni les supplices. Pourvu que l’amour puisse prouver son dévouement, il trouve en lui un bonheur qui défie le ciel et la terre. Comment les plus grands saints ont-ils aimé Dieu ? Jusqu’au sacrifice de leur corps ici-bas, de leur âme dans l’éternité !