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d’âme et de corps, les rides de son expérience et les déchéances de ses soixante ans. Si elle était réduite maintenant à la solitude, il lui semblait que la vieillesse, comme une méchante fée, allait accourir et lui enlever tout son bonheur d’emprunt.

Pour se conserver la présence de Cécile, elle ne recula plus devant des combinaisons odieuses. Elle n’était pas poussée cette fois par la perversité de ses instincts passionnés, mais par ce farouche égoïsme du vieillard qui sacrifierait l’univers pour sauver les derniers jours de sa misérable existence. Ainsi, elle était décidée à prendre une demeure fixe à Rouen. Avec sa légèreté d’esprit et sa souplesse d’humeur, elle s’était habituée sans difficulté à la société de madame Milbert et s’était arrangée pour qu’on s’accommodât d’elle. On ne l’estimait pas, mais elle plaisait, quoiqu’elle ne se fût corrigée d’aucune de ses bévues sur les cas de religion. Elle commettait encore d’autres peccadilles : il lui échappait quelquefois des choses à faire dresser les cheveux. Elle avait la tête pleine de fines observations ; elle saisissait toutes les crudités du vrai sous leurs enveloppes menteuses : mais ces remarques, recueillies sans