Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/299

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pouvoir plus exister que dans le rêve ; elle redoutait avec la réalité le moindre contact : un mouvement, une parole, un regard dirigé vers elle, était un choc qui suffirait pour la terrifier.

Enfin, il fallait se rendre où l’attendait Félicien. D’ordinaire, l’habitude la guidait si facilement pendant ce trajet, qu’elle le faisait sans en avoir conscience. Ce jour-là, elle ne pouvait imaginer qu’elle arrivât jamais : elle supposait mille obstacles, vulgaires et terribles à la fois. Mais elle n’avait pas seulement la crainte du danger, elle en avait la vision, le vertige : le chemin oscillait sous ses pas, ses yeux étaient éblouis par des vapeurs miroitantes ; elle voulait hâter sa marche, et ses pieds, attachés au sol, se dérobaient à ses efforts.

Le plus grand danger, pourtant, n’était pas parmi ceux qu’elle prévoyait : c’était sa peur même, ces émotions puériles et violentes qui, d’avance, avaient troublé son sang-froid, énervé ses forces.

Elle était partie fermement résolue à n’accepter l’amour qu’en sauvant la vertu ; elle attendait les explications promises par Félicien sur ses sentiments et ses résolutions. Mais, quand elle arriva, elle était incapable de l’en-