Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/330

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silence de l’impuissance et du découragement. Leur adieu surtout, privé d’expansion, fut cruel : ils ne se dirent pas qu’ils se séparaient pour toujours, ils le pensèrent en se contraignant à le dissimuler.

Félicien porte encore dans son cœur les traces de ce déchirement ; mais sa raison, que le sentiment a convaincue, ne faiblit plus. D’ailleurs, ces derniers murmures de l’amour s’apaisent peu à peu dans les joies paternelles. Un an ne s’était pas encore écoulé qu’Adrienne l’avait rendu père d’une fille. En la lui présentant, à sa naissance, elle avait dit un mot qui réparait entièrement le passé : « Je te la confie ; fais-en une femme que tout honnête homme puisse aimer. »

Eusèbe s’est tenu parole : il n’a pas revu Adrienne ; mais c’est maintenant par la lutte et non plus par l’enthousiasme qu’il poursuit sa mission. À ses heures de méditations solitaires, il voit sans cesse un fantôme gémissant se traîner à ses pieds. Est-ce l’image d’Adrienne ? Non, elle s’efface de son souvenir. C’est sa propre jeunesse qui se plaint d’être enchaînée dans les vœux et les symboles. Mais, quoi qu’il fasse, la vertu l’accompagnera toujours ; parce