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traîner dans les prétendues discussions littéraires.

Se tenant à l’écart de tout entretien, il passait ses soirées du dimanche en longues méditations silencieuses. Pourtant quelques rares habitués du cercle de madame Milbert provoquaient son intérêt et attiraient sa sympathie ; mais c’était sous la forme d’une pitié mélancolique qui ne l’invitait point à sortir de sa taciturnité.

Il voyait là, par exemple, deux ou trois jeunes femmes d’un naturel doux et charmant ; mais leur jeunesse était éteinte sous la compression d’un ascétisme qui était encore moins dans leurs mœurs que dans leur pensée. Il fallait les plaindre, sans songer à les aimer : l’amitié la plus désintéressée les aurait effarouchées.

Parmi les hommes, une affection enthousiaste s’était attachée à Félicien, c’était celle du mari de la femme au long menton, M. Forbin. Ce pauvre homme était l’exemple le plus frappant du crétinisme auquel la province réduit les gens d’imagination. Il avait été poëte dans sa jeunesse, et même avec quelque succès. À vingt-cinq ans, il avait épousé, avec sa femme, une maison de commerce dont il lui