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de l’inconnu et d’y soupçonner sans cesse l’hostilité ; mais elle avait beau être rétive et provinciale, elle avait affaire à quelqu’un pour qui l’apprivoiser était un jeu.

Madame de Nerville, tante de madame Malmont, qui avait offert sa maison à M. et à Mme Dautenay, était une de ces femmes irrésistibles que nos pères ont connues, et dont le souvenir, comme le type, est déjà perdu. Malgré ses cinquante-cinq ans, on retrouvait encore l’enchanteresse dans son long regard et son fin sourire qui se donnaient un perpétuel démenti, l’un semblant railler sans cesse tous les témoignages de l’autre. En général, elle parlait peu ; mais elle possédait admirablement l’art de faire parler quiconque elle voulait connaître. La première soirée n’était pas encore écoulée qu’elle avait acquis déjà une perception plus lucide de l’état respectif des deux époux qu’ils ne l’avaient eux-mêmes. Adrienne, au contraire, n’avait rien compris à son aimable interlocutrice ; mais elle se reposait sur ce que madame de Nerville lui avait promis de la mener le lendemain aux conférences d’un prédicateur en vogue.

Depuis ce moment, Adrienne et madame de