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que souverain avait ainsi un bras en écharpe. L’armement n’eut pas lieu. Les puissances du continent savaient bien ce qu’elles perdaient, mais elles savaient aussi la force de la France, et d’ailleurs le principe les rassurait, car ce qu’elles craignaient le plus, après tout, c’était une propagande révolutionnaire. Après quelque hésitation, les ambassadeurs revinrent.

Pendant six ans, l’Europe et le monde jouirent d’une paix profonde, qui ne fut même pas troublée par les échos des guerres qui éclataient en Orient et sur quelques points de l’Amérique méridionale.

Mgr le duc d’Orléans et M. de Villèle employèrent ce temps à réorganiser la France, et à reconstruire l’édifice gouvernemental sur des bases inébranlables. Ils furent admirablement secondés par l’élite de la nation en hommes d’état, en grands citoyens et en écrivains célèbres. Grâce à la liberté de discussion, et pour me servir du mot que fit alors entendre M. le duc de Broglie, le public connut tous les faits et le gouvernement connut les opinions. La presse ne fut pas une entrave, elle fut un immense levier. — À la tête du grand mouvement des idées, on distingua M. de Chateaubriand, le roi de la parole, M. Lafitte, M. de Fitz-James, M. Barrot, M. de Dreux-Brézé, M. Mauguin, M. de Larochefoucault, M. Dupin, M. Ravez et une foule d’autres. C’est alors qu’on commença à parler de M. Thiers, toujours prêt à combattre les idées révolutionnaires, et de M. de Cormenin, toujours ardent à les accabler de sa puissante ironie.

La couronne reçut une dotation en forêts de l’état. Le clergé eut aussi une dotation particulière. Le budget fut fixé sur le pied de paix. L’assemblée générale fut seule investie du droit de voter les impôts nécessaires pour faire face aux dépenses extraordinaires. L’élection à plusieurs degrés assura la représentation de toutes les opinions. La gauche et la droite étaient toujours d’accord pour le progrès en toutes choses, le centre votait avec la droite sur toutes les questions d’ordre et de sécurité, la gauche et le centre s’unissaient en faveur de la liberté, que d’ailleurs la droite ne refusait pas, mais réglait dans sa marche. Dans une pareille assemblée les grands intérêts du pays avaient ainsi une majorité assurée.

La chambre des pairs brilla d’un immense éclat et devint le grand conseil de la couronne. Elle fut composée de toutes les illustrations de la France. On y vit le banc des maréchaux, le banc des archevêques et des évêques, celui des généraux et celui de la magistrature. On y voyait aussi des manufacturiers célèbres, d’illustres écrivains et de grands poètes. Lamartine y fut appelé. Elle était principalement chargée de la confection laborieuse des lois, soumises ensuite au vote de l’assemblée générale.

La France fut divisée en provinces qui s’administraient elles-mêmes, entretenaient leurs routes et leurs ponts ; et faisaient face à tous leurs besoins locaux avec leurs propres ressources. Il n’y eut plus besoin d’avoir recours aux ministres pour la construction d’une écluse, la réparation d’un chemin vicinal ou l’amélioration d’une rivière. Les ministres purent consacrer tout leur temps aux intérêts généraux, et la race des solliciteurs le perdit.

Cependant le gouvernement ne perdait pas de vue notre belle conquête d’Alger. On avait fait appel aux populations de l’Europe, et les colons s’étaient présentés de toutes parts. On en compta un million la première année ! Aujourd’hui l’Algérie compte déjà, comme chacun sait, six millions d’habitans européens et quarante deux villes nouvelles. La confiance est grande, et l’ombre du drapeau de la France est une protection efficace. Vingt mille hommes suffisent pour assurer la police des routes de ces vastes contrées, et les colons offrent une milice armée de plus d’un million d’hommes. Plus de cinq cent mille Arabes ont embrassé le christianisme, et Abd-el-Kader a obtenu le grade de maréchal-de--