IV
Le besoin insatiable de bruit et de renommée, qu’avait
Gilles de Rais, et qui se manifeste par le faste de sa maison
militaire, par le luxe de ses demeures, par les splendeurs de
sa chapelle, trouvait, dans le théâtre, un aliment nouveau
et fréquent. Après les spectacles religieux, les spectacles de
la scène, dont les divertissements, à cette époque, n’étaient
souvent que des spectacles religieux, d’une nature particulière
et originale. Au sortir des cérémonies de l’Église, aux
grandes fêtes de l’année, dans les beaux jours du printemps
et de l’été, Gilles n’avait pas de plaisir plus grand, et, disons-le,
plus noble aussi, malgré les dépenses où il était
entraîné, que de passer de sa chapelle ou des cathédrales de
Nantes, d’Angers et d’Orléans, aux jeux variés, religieux et
profanes, tristes ou joyeux de la scène.
Aussi bien, cette piété d’apparat, qu’il étalait avec tant de complaisance dans les cérémonies de l’Église, n’était pour lui qu’un vêtement, ou commode pour cacher ses vices, ou brillant pour frapper les yeux[1]. À tout considérer, elle lui pesait singulièrement ; car il s’irritait, dans le fond de l’âme, des avertissements que les offices sacrés portent en eux-mêmes. Les prières de l’Église sont la joie et la consolation des âmes chastes et tendres ; mais elles font le tourment des âmes cruelles et débauchées : elles éveillent les remords.
- ↑ Proc. ecclés., Conf. de Blauchet, p. LXXVIII.