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GILLES DE RAIS.

nements, il le considérait surtout comme une exhibition de richesses[1]. L’or, le satin cramoisi, l’argent, le velours, les pierreries, les draps d’or et d’argent, les riches armures, les harnais luxueux, les broderies fines, la soie, toutes les merveilles de l’art s’y trouvaient étalées à profusion : c’était une manière nouvelle de faire assaut de luxe et de puissance. Le, moyen âge, dans sa civilisation encore grossière, était indiscrètement magnifique. : il faut la politesse de siècles, plus parfaits pour donner au luxe la mesure et à l’opulence le bon goût. Pour demeurer dans les bornes communes et raisonnables, il eût fallu à Gilles de Rais une moindre ambition, un moins grand désir d’éblouir la foule, en frappant ses yeux.

Afin de suffire aux grandes dépenses des costumes qu’exigeaient les représentations théâtrales, il était de règle qu’elles demeuraient à la charge des acteurs, c’est-à-dire des amateurs qui acceptaient et souvent sollicitaient les rôles. Les acteurs fournissaient donc leurs costumes, et juraient le plus souvent « d’eux habiller, à leurs frais, missions et dépens, chacun selon qu’il appartiendra et que son personnage le requerra », sous peine de dix écus d’amende. Ces dépenses considérables étaient entièrement aux frais de Gilles de Rais ; et cependant il faut dire encore quelque chose de plus : non seulement ces costumes étaient splendides, et « propices » à la matière du drame ; mais encore les acteurs formaient une foule véritable. On vit à Laval, en 1493, dans le Mystère de sainte Barbe, que fit représenter un cousin de Gilles, Guy, comte de Laval :

           Cent joueurs habillés de soie
           Et de velours à pleine voie[2].

Le Mystère du siège d’Orléans ne compte pas moins de cinq cents acteurs. Chose plus incroyable encore ! ces cos-

  1. Pour permettre au spectateur de distinguer les personnages, chacun d’eux portait son nom écrit sur sa poitrine.
  2. M. Petit de Julleville, t. I, p. 350 et suivantes.