s’arrêter à écouter les voix, qui lui annonçaient science,
richesse et puissance. Parées de leurs promesses, l’alchimie
et la magie, apparurent aux yeux de Gilles comme de séduisantes
sirènes ; et Gilles malheureusement n’avait ni la prudence
ni le courage du sage antique ; il leur prêta
l’oreille, il fut séduit ; il se jeta à corps perdu, les mains
tendues en avant, à la poursuite de ces belles chimères,
et finit par aller se perdre, lui, sa fortune et son
honneur, dans un gouffre plus profond que celui de Scylla.
Comme il n’avait mis de frein ni à son imagination ni à ses
désirs, et qu’il était toujours altéré de jouissances nouvelles
par l’arrière-goût des plaisirs finis, il étudia d’abord par
curiosité les sciences permises, et, lorsqu’elles ne lui eurent
donné que l’amer fruit de la déception, il passa bientôt, par
nécessité et sans remords, aux tentatives défendues. Sa crédulité
inquiète fut savamment exploitée ; des hommes, ou
crédules ou trompeurs, lui promirent monts et merveilles[1].
Mais tous ces brillants fantômes, qu’ils montrèrent à ses
yeux, semblèrent se rire de ses espérances, et, par exaspération,
il les poursuivit alors sur toutes les voies, même sur
celle du crime ; et, sur cette route funeste, il alla si loin que
nul homme ne l’a jamais dépassé
[2]. Nous verrons en leur lieu
chacune de ses infamies, et le lecteur mesurera, non sans
effroi, la profondeur de perversité et de dépravation où
tombe une âme, qui, n’écoutant plus ni la voix d’un ami, ni
le cri de la conscience, ni celui de la foi, ni même les menaces
de la justice, n’entend et n’aime que la voix de ses passions.
- ↑ Mémoire des Héritiers. — Lettres patentes de Charles VII.
- ↑ Mémoire des Héritiers., fo 11, vo ; fo 16, vo, — Lettres patentes de Charles VII.
rir les maladies et reculer les limites de la vie humaine au delà des bornes posées par la nature ; suivant le cas, c’était donc ou la pierre philosophale ou la panacée universelle. Les auteurs sont aussi loin d’être d’accord sur sa couleur que sur sa nature. L’un dit qu’elle est jaune comme le safran, l’autre rouge comme le pavot ; celui-ci la compare à l’escarboucle, celui-là à la couleur du soufre ; un dernier vient enfin, qui dit : « Cette pierre réunit toutes les couleurs : elle est blanche, rouge, jaune, bleu de ciel et verte » ; et les voilà tous d’accord.