Aller au contenu

Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XII
INTRODUCTION

crimes inouïs, qui ont surpassé les plus grands, et le voilà immortel comme Néron ! Ce nom, comme celui du César, est maintenant étroitement uni aux mots d’ambition, de débauche et de cruauté, que rien n’effacera du langage non plus que des souffrances des hommes.

Tout jeune, nous l’avons connu, tel que l’a peint la légende, avec son air sombre, mystérieux, implacable, type de cruauté tracé comme à dessein pour être l’épouvantail des petits enfants. Plus tard, la curiosité nous poussa à rechercher ce qu’il fut réellement dans l’histoire ; or, nous l’avons trouvé bien différent de ce que l’a fait l’imagination populaire et plus terrible encore que ce légendaire Barbe-Bleue, dont il a été, d’après nous, l’objet et la matière première. C’est pourquoi avec une patiente attention, nous avons réuni les traits dispersés de cette vie ; nous les avons trouvés assez nombreux, assez précis, assez reconnaissables pour reconstituer, aussi fidèlement qu’il est possible, cette figure à demi rongée par l’air et par le temps : c’est le tableau de cette vie émouvante et le portrait de ce triste héros que nous plaçons aujourd’hui en meilleure lumière, dans cette galerie où l’histoire expose ses hommes célèbres.

On se demandera peut-être pourquoi l’on a tiré de l’ombre, où chaque jour il s’enfonçait davantage, cet homme étrange avec le cortège de ses vices et de ses crimes. Le désir de ceux qui ne voudraient voir paraître au jour que des vies saintes, est louable assurément ; mais l’histoire de l’humanité n’a pas à offrir que des vertus : dans ce monde, les saints, peut-être, sont encore plus rares que les scélérats. Si l’histoire conserve le souvenir de ceux qui ont fait le bien aux hommes comme on garde le souvenir d’un temps heureux, par une raison contraire, mais aussi naturelle, on se souvient des hommes méchants comme de fléaux qui ont désolé le monde. Sans doute, la postérité