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XIII
INTRODUCTION

s’instruit par l’exemple du bien et se forme à la vertu par le tableau des saintes et belles vies ; mais la vue du mal et le portrait des méchants sont propres également à éloigner du vice en inspirant l’horreur du crime. Les moralistes n’ont rien offert de plus instructif aux hommes que le contraste du bien et du mal.

Cet avantage ne manquera pas à cette histoire. À côté, en effet, du sombre visage de Gilles de Rais, on remarquera avec plaisir de sympathiques ou de douces figures. Voici d’abord les héros qui ont combattu avec lui pour la délivrance de la patrie : Dunois, les sires de Laval, le connétable de Richemont ; voici le bon roi René, répandant à pleines mains le bonheur sur les populations angevines au moment même où Gilles de Rais semait la terreur parmi les populations bretonnes ; voici surtout Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans, que Gilles suivit de Chinon jusque dans les fossés de Paris, peut-être même jusque sous les murs de Rouen : sainte victime qui paya de sa vie la rançon de la France !

Mais, — et c’est en cela surtout qu’est le principal attrait de cet ouvrage, — si l’on y fait bien attention, nulle part le contraste entre le bien et le mal n’est si frappant que dans la vie et le cœur de Gilles de Rais lui-même. À lui s’applique, dans toute sa vérité, le mot de Labruyère : « Quelques hommes, dans le cours de leur vie, sont si différents d’eux-mêmes par le cœur et par l’esprit, qu’on est sûr de se méprendre, si l’on en juge seulement par ce qui a paru d’eux dans leur première jeunesse. » Gilles de Rais est un de ces hommes qui étalent aux yeux du lecteur ces exemples de révolution morale faits pour épouvanter l’imagination. Brave, courageux, habile dans le métier de la guerre où ses talents militaires et ses grands services l’ont porté aux plus hauts grades de l’armée ; libéral et