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ALCHIMISTES ET MAGICIENS.

art a des promesses réalisables » ; et, dans toutes ses paroles, il gardera un ton d’indifférence, qui montre clairement le peu de danger qu’il courait en faisant de tels aveux. Quant au reste, quant à ce qui pourra constituer un motif grave d’accusation, il s’écriera que c’est faux comme le mensonge et impudent comme la calomnie. L’imprudent ! il ira même jusqu’à porter à ses accusateurs un superbe défi, qui le condamnera d’avance : « Je suis innocent de tout ce qu’on élève ici contre moi ; et mon témoignage est si fort, que, si l’on prouve ces crimes, je consens à être brûlé vif ! » On le voit donc bien : il ne redoute pas qu’on puisse l’accuser d’avoir pratiqué l’alchimie, puisqu’il l’avoue lui-même ; on dira peut-être qu’il fut un insensé de mettre en cette science son espoir ; mais, pour lui, il a cru et il croit encore qu’il y a dans cet art des promesses réalisables. Seulement il se garde bien de dire qu’il y mêlait les pratiques criminelles, de la magie : or, c’étaient précisément ces crimes que poursuivaient dans les alchimistes magiciens les deux pouvoirs unis de l’Église et de l’État.

L’alliance était donc intime entre la science mystérieuse des alchimistes et l’art encore plus caché des sorciers, des magiciens, des évocateurs du démon. Il était inévitable que des hommes, si avides d’or et de puissance, n’allassent des agents naturels incapables de satisfaire leurs désirs, aux agents surnaturels dont la superstition, non moins que la foi, peuple le monde. Ce que les pratiques du laboratoire, ce que la fusion des métaux ne pouvaient produire, les esprits supérieurs pouvaient le donner : on pressa Gilles de les appeler à son aide. Mais, par un mouvement naturel à ceux qui font le, mal, comme les prières des magiciens étaient mêlées d’infamies et que leur culte renfermait encore plus de crimes que de ridicules, bien loin de s’adresser à Dieu et aux bons esprits, ils se retournèrent vers le démon et les esprits malins, résolus qu’ils étaient dès le début à tout faire dans le mal pour se les rendre soumis ou favorables. À Gilles de Rais découragé, le démon fut présenté comme une