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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/161

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GILLES DE RAIS.

raient fuir ; en sorte qu’il est impossible de douter de leur réalité. Prélati confesse et affirme que le démon lui est apparu plusieurs fois & Florence, dix fois à Tiffauges, une fois à Josselin ; trois fois, par son ministère, le démon, consulté sur l’avenir, a répondu aux questions de Gilles de Rais, et aux trois fois les réponses, fort précises, ont été confirmées par les événements. Un jour enfin, Prélati sortit d’une de ces évocations frappé par le démon[1], meurtri et presque mourant ; les témoins remportèrent dans les appartements de Gilles et lui prodiguèrent leurs soins pendant plusieurs jours qu’il demeura entre la vie et la mort. Répandue autour de ces affirmations, il y a comme une lumière de vérité, qui fait disparaître tous les doutes[2]. On admettra, si l’on veut, que ces hommes ont été dupés ; mais on ne peut croire qu’ils aient été dupeurs : ils ont été sincères devant leurs juges.

Quant à savoir s’ils ont pu voir réellement le démon, c’est une question qu’il serait trop long de débattre ici. Elle appartient plus à la foi et à la raison qu’à l’histoire ; et la solution doit nécessairement varier selon le système philosophique et théologique que l’on embrasse : une discussion sur ce point nous jetterait hors du sujet de cet ouvrage. L’on fera remarquer seulement que la possibilité des évocations parait indiscutable à celui qui admet l’existence des démons, et qui attribue à ces esprits méchants le pouvoir de se mettre en commerce avec nous. Aux yeux des hommes qui tiennent pour quelque chose la croyance des siècles passés, l’enseignement de l’Église catholique, le sentiment des Pères, des docteurs[3] et des théologiens[4], ou même, disons-le, les lumières de la simple raison humaine, éclairée surtout par la foi et manifestée dans les ouvrages des grands philosophes chrétiens, la question est toute résolue, et

  1. Proc. ecclés., déposition de Blanchet ; p. LXXXI.
  2. Proc. ecclés., Conf. de Prélati ; p. LXIX, LXX, LXXI, LXXII, etc.
  3. Bréviaire romain. Leçons de saint Cyprien.
  4. La Sorbonne, en 1835, disait : « Per tales artes et ritus impios et incovocationes demonum nullus unquam sequatur effectus ministerio demonum, error. » Voltaire, Diction, philosophique, t. V. p. 338. Edit. Dupont. Paris. 1826.