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MAGICIENS

a d’abord fait ; mais, après les avoir qualifiées de mensonge, on ne passe pas tout à coup à l’aveu de crimes, dont plus d’un méritait la mort ; on ne se charge pas soi-même, à moins qu’on ne soit sincère ; la lueur du bûcher et les lumières de l’éternité, qui sont proches, donnent aux scènes de Nantes les reflets d’une saisissante vérité. Il faut donc, ou admettre tout dans ces archives de la justice, ou en déchirer tous les feuillets : mais alors quels sont les documents de l’histoire que l’on osera garder intacts ? Aucun, absolument aucun : il faudra les déchirer tous.

Non pas, certes, que les évocateurs, par qui fut servie ou exploitée la passion de Gilles, aient toujours été de bonne foi ; ce n’est pas là notre pensée, et il importe de bien préciser les choses avant d’en faire le récit. On doit distinguer soigneusement entre les faits douteux et les faits certains. Il est à croire que le dépit de ne pouvoir évoquer le démon aux yeux de Gilles de Rais, poussa plusieurs de ces magiciens à prétendre qu’il leur apparaissait durant l’absence du baron. Ces supercheries étaient trop nécessaires à la conservation de ses bonnes grâces pour n’être pas naturelles, et trop naturelles pour n’avoir pas été inventées. Mais, à part ces mensonges, nés du besoin de servir leur cause et leur bourse, les complices de Gilles de Rais et Gilles lui-même ont avoué des faits, sur lesquels il ne nous parait pas possible d’élever le moindre doute. En y regardant de près, en effet, l’on distinguera facilement les évocations suspectes d’être entachées de mensonge ; ce sont celles qui ont été racontées au maréchal, à une époque antérieure à son procès, et qui sont simplement rappelées sans affirmation nouvelle, dans les dépositions des témoins. Mais en dehors de ces événements, dont les circonstances particulières sont rapportées dans le récit, il en est d’autres que les témoins et les coupables fortifient par leurs affirmations, devant les juges, loin par conséquent de toute préoccupation ou de faveur ou d’argent, sur lesquels ils ne sauraient désormais plus compter ; en face d’une mort redoutable qu’ils entrevoient et qu’ils ne sau-