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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/172

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INCREDIBILIA.

Son âme ; car, même dans les ténèbres les plus profondes et les plus épaisses du mal, la foi envoyait jusqu’à lui ses lumières ; et le repentir, qui sourdait par moments dans son cœur remué violemment par le remords, lui disait que le Dieu qui pardonne, pour pardonner, veut encore avoir sur une âme des droits reconnus[1].

Celui qui s’élève si haut par ses propres désirs est incapable de modération. À cette époque, où, dans la pensée de presque tous les contemporains de Jeanne d’Arc, des apparitions, venant du ciel, avaient précédé et amené les plus grands événements de notre histoire, les esprits étaient fort enclins au merveilleux ; et il était facile aux hommes mauvais, comme l’était Gilles, de croire aux influences surnaturelles, même venant de l’enfer : Gilles s’obstinait dans ses espérances avec une ténacité opiniâtre, d’où la raison elle-même est bannie et où il n’y a plus de place qu’à une folle ambition. Oui, il y a dans les désirs que Gilles de Rais avait de la puissance un excès qu’il est fort curieux de remarquer, parce qu’il nous paraît lié à la grande révolution de son siècle. Nul, plus que Gilles de Rais, n’avait dû être frappé du caractère surprenant, qui éclate dans la mission de Jeanne d’Arc. À ses côtés, il avait assisté à ses brillants faits d’armes ; il avait vu tomber devant elle les bastilles des Anglais et Orléans délivrée en quatre jours. À ses côtés, il avait pris part à la campagne de la Loire, aux expéditions non moins glorieuses de Reims et de Paris, au cours desquelles tant de villes, livrées par la trahison ou tombées de vive force aux mains des ennemis, ouvraient leurs portes d’elles-mêmes, le plus souvent sans coup férir, à un roi jusque-là toujours vaincu. Le peuple, les capitaines, toute l’armée, au dire du secrétaire de la ville de Metz, croyaient que rien ne

  1. Proc. ecclés., Conf. de Gilles, p. XLVI, LI, LV. — Proc. civ. fos 396, vo, 401, vo, et 402, ro et vo ; Conf. de Gilles. La crainte d’être emporté par le démon, à laquelle il fait allusion en termes très clairs devant ses juges, s’explique par sa crédulité, entretenue par les récits légendaires dont le moyen âge est plein.