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GILLES DE RAIS.

son de chimères, vint frapper à la porte du château de Tiffauges. Cet homme, qui exerça sur Gilles, jusqu’aux derniers jours de sa liberté et jusqu’à la veille de sa mort, une si grande influence, était un italien venu directement de Florence.

Vers le milieu de l’année 1438, dans un hôtel de Florence, deux hommes, un italien et un français, se rencontraient à la même table. Les premiers jours se passèrent à parler de choses et d’autres, ainsi qu’il arrive entre étrangers : un certain Guillaume de Monte-Pulciano les avait mis en relation[1] ; d’abondantes libations et de copieux festins, offerts par le français, les mirent en amitié. Ils se rencontraient souvent ensemble avec un certain Nicolas de Médicis, de Florence, et un nommé François, du diocèse de Castellane. Un jour, tout en causant, l’un d’entre eux, cédant évidemment à un mouvement de curiosité qui n’était pas irréfléchie, porta la conversation sur un autre sujet que la littérature, les arts et la poésie, et, s’adressant à son nouvel ami : « Connaissez-vous, lui demanda-t-il, le grand art de l’alchimie ? » — « Oui », lui répondit son compagnon, grand buveur par habitude[2]. Sa réponse flatta manifestement son interlocuteur. Encouragé par cet aveu, il jugea en effet le moment venu de pousser plus loin : « Et l’évocation des démons ? » hasarda-t-il. — « Tout aussi bien », répondit son convive, qui pour un pot de vin aurait évoqué tous les diables[3]. Ce fut sur le visage de l’interrogateur comme un éclair de joie : « S’il en est ainsi, dit-il, voulez-vous me suivre en France ? » — « Très volontiers, dit l’italien ; j’ai même en Bretagne, dans la ville de Nantes, un cousin nommé Martel, que je serais fort aise de revoir. » — « Rien n’est plus heureux, dit le français, je connais dans ces contrées un illustre seigneur,

  1. Proc, ecclés., Conf. de Prélati, p. LXV ; Conf. de Blanchet, p. LXXIII, LXXXIX.
  2. Proc, ecclés., Paroles de Blanchet ; Conf. de Poitou, p. LXXXIX et alibi. — Proc. civ., Conf. de Henriet.
  3. Ibidem.