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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/193

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GILLES DE RAIS.

côtés, couvrait une écriture rouge, tracée de la main de Gilles lui-même et entremêlée de croix et d’autres signes également rouges. La pensée vint immédiatement à Blanchet que cette écriture était faite avec le sang de quelque pauvre enfant ; car il avait ouï raconter, disait-il, que le maréchal faisait tuer des enfants pour écrire un certain livre avec leur sang. Henriet vit également ce livre ou un autre semblable entre les mains du maréchal, et il lui sembla qu’il était écrit avec du sang ou du vermillon[1].

Quelques années plus tard, Monstrelet, à la lumière des débats de Nantes qui avaient éclairé tant de choses monstrueuses, confirmait expressément tous ces bruits : « Desquels enfants ou autres créatures, après qu’il les avait fait mourir violentement, faisait prendre aucune partie de leur sang, duquel on écrivait livres, où il y avait conjurations diaboliques et autres termes contre notre foi catholique[2]. » On disait d’ailleurs partout, dans la contrée, qu’il écrivait un livre avec le sang des enfants ; et le peuple, dont l’imagination grossit facilement les choses, répandait la terreur en répétant de tous côtés que ce livre le rendrait tout-puissant ; qu’il n’y aurait plus ni forteresse à tenir contre lui, ni personne à lutter contre sa puissance[3]. On raconte que le seigneur de Rais « use de l’art et science de négromancie et qu’il fait murtrier et occire grand nombre d’enfants, afin d’en avoir et recueillir le sang, dont il escript tous ses caractères de divinements requis pour invoquer les infernales esprits, tendant parvenir par leur moyen à recouvrer grans trésors et richesses[4]. » Bruits étranges, qui offrent une coïncidence remarquable avec les espérances démesurées du maréchal de Rais. Tous ces faits sont une preuve convaincante des crimes dont se rendaient coupables les magiciens et les évocateurs, en même temps qu’ils sont une sorte d’apologie de la

  1. Proc. civ., fo 382, ro ; Conf. de Henriet.
  2. Monstrelet, I. c.
  3. Proc. ecclés., Dép. de Blanchet, p. LXXV. LXXVI.
  4. Alain Bouchard, Grandes Chroniques de Bretagne.